La France mise sur lâĂ©nergie nuclĂ©aire pour asseoir sa suprĂ©matie en matiĂšre dâintelligence artificielle
Macron veut consacrer un gigawatt dâĂ©nergie nuclĂ©aire Ă la crĂ©ation de lâune des plus grandes installations de calcul dâIA au monde
Par
Sam Schechner
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et
Asa Fitch
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Mis à jour10 février 2025 07:16 ET
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Le prĂ©sident Emmanuel Macron a souhaitĂ© accroĂźtre la puissance de calcul de lâintelligence artificielle en France. Photo : Sergei Gapon/Agence France-Presse/Getty Images
La France tente de rattraper son retard dans la course Ă lâintelligence artificielle en sâappuyant sur lâun de ses atouts : son abondante Ă©nergie nuclĂ©aire.
Le gouvernement français prĂ©voit dâinvestir lundi un gigawatt dâĂ©nergie nuclĂ©aire dans un nouveau projet dâintelligence artificielle qui devrait coĂ»ter des dizaines de milliards de dollars, selon ses bailleurs de fonds du secteur privĂ© et le gouvernement français.
AssociĂ©s Ă dâautres projets français dâIA rĂ©cemment annoncĂ©s, financĂ©s par Brookfield Asset Management et des investisseurs du Moyen-Orient qui visent Ă©galement une Ă©chelle de plusieurs gigawatts, ces projets Ă©largiraient considĂ©rablement les capacitĂ©s de calcul de lâIA en Europe pour rivaliser avec une vaste expansion aux Ătats-Unis. Les projets font partie dâune vague dâinvestissements de 113 milliards de dollars que le prĂ©sident français Emmanuel Macron annonce lors dâun sommet sur lâIA qui sâouvre lundi Ă Paris.
Le projet nuclĂ©aire, qui vise Ă doter dâici fin 2026 une premiĂšre tranche de 250 mĂ©gawatts dâĂ©lectricitĂ© de puces informatiques dâintelligence artificielle, rivalise avec le projet amĂ©ricain Stargate, soutenu par SoftBank et OpenAI. Stargate dĂ©marre avec un campus au Texas alimentĂ© initialement par 200 mĂ©gawatts dâĂ©lectricitĂ© , avec des projets dâextension Ă 1,2 gigawatt.
FluidStack, lâentreprise Ă lâorigine du pĂŽle dâintelligence artificielle basĂ© sur lâĂ©nergie nuclĂ©aire en France, a annoncĂ© quâelle comptait commencer la construction au troisiĂšme trimestre. Pourtant, rien ne garantit que son projet avancera comme prĂ©vu, ni quâelle obtiendra suffisamment de fonds (ou de puces dâintelligence artificielle) pour le construire.
Lâintelligence artificielle requiert une puissance de calcul colossale, car les grandes entreprises technologiques dĂ©pensent des milliards de dollars pour construire dâĂ©normes grappes de puces gourmandes en Ă©lectricitĂ©. Ces puces, principalement fabriquĂ©es par Nvidia , sont les bĂȘtes de somme du boom de lâIA, effectuant les calculs qui sous-tendent les modĂšles dâIA.
Selon le groupe de recherche Epoch AI, certains des modĂšles dâIA les plus avancĂ©s ont Ă©tĂ© formĂ©s dans des centres de donnĂ©es consommant environ 30 mĂ©gawatts dâĂ©lectricitĂ©. Mais dâici 2030, les principaux modĂšles dâIA pourraient nĂ©cessiter plus de 5 gigawatts dâĂ©lectricitĂ©, soit une quantitĂ© Ă©quivalente Ă celle de Manhattan.

Jensen Huang, directeur général de Nvidia, a fait une présentation à Las Vegas le mois dernier. Photo : Bridget Bennett/Bloomberg News
Lâ Ă©mergence de DeepSeek , un modĂšle dâIA fabriquĂ© en Chine et dotĂ© dâun nombre de puces bien infĂ©rieur Ă celui de ses concurrents, a rĂ©cemment fait douter de la nĂ©cessitĂ© de regrouper des centaines de milliers de puces. Mais Nvidia a dĂ©clarĂ© que les progrĂšs rapides de lâIA nĂ©cessiteraient toujours plus de puces, et les grandes entreprises technologiques y consacrent des dĂ©penses sans prĂ©cĂ©dent .
Pour financer la premiĂšre tranche de construction, FluidStack a dĂ©clarĂ© quâil prĂ©voyait de dĂ©ployer ses propres liquiditĂ©s et dâobtenir des prĂȘts pour un montant de 10 milliards dâeuros, soit 10,3 milliards de dollars. Lâentreprise a dĂ©clarĂ© que les discussions se poursuivaient avec certains des plus grands dĂ©veloppeurs dâIA du monde pour utiliser la nouvelle installation, qui pourrait abriter environ 120 000 puces dâIA de Nvidia dans sa premiĂšre phase et quelque 500 000 dâici 2028 si le site est entiĂšrement construit. Lâentreprise a dĂ©clarĂ© quâelle pourrait encore sâĂ©tendre jusquâĂ une installation de 10 gigawatts, 10 fois plus grande, dâici 2030.
Une grande partie du financement est nĂ©cessaire pour acheter les puces, qui se font rares ces derniĂšres annĂ©es en raison de lâessor de lâIA. Les entreprises de calcul dâIA telles que CoreWeave ont Ă©tĂ© les pionniĂšres de nouveaux vĂ©hicules de financement garantis par les puces de Nvidia et des contrats avec des dĂ©veloppeurs dâIA pour lever des milliards de dollars pour de nouveaux centres de donnĂ©es, ce que FluidStack a dĂ©clarĂ© quâil prĂ©voyait Ă©galement de faire.
FluidStack a dĂ©clarĂ© ĂȘtre en contact rĂ©gulier avec Nvidia au sujet du projet et ne pas avoir dâinquiĂ©tude quant Ă sa capacitĂ© Ă financer ou Ă accĂ©der aux puces. « Nvidia mâa dit quâils enverraient ces puces quand nous en aurions besoin », a dĂ©clarĂ© CĂ©sar Maklary , cofondateur et prĂ©sident de la sociĂ©tĂ©, dans une interview. Nvidia a refusĂ© de commenter lâaccord.

Sam Altman est le directeur gĂ©nĂ©ral dâOpenAI, lâune des entreprises amĂ©ricaines Ă lâorigine du boom de lâintelligence artificielle. Photo : John MacDougall/Agence France-Presse/Getty Images
Le projet dâIA sâinscrit dans la continuitĂ© dâune initiative de longue date de Macron, qui cherche Ă accroĂźtre la puissance de calcul de lâIA française. LâannĂ©e derniĂšre, il a dĂ©clarĂ© lors dâune table ronde Ă huis clos avec des dirigeants venus discuter des investissements en France que « lâĂ©lectricitĂ© Ă faible Ă©mission de carbone et compĂ©titive » est « lâun de nos avantages concurrentiels » pour lâIA.
Avec un parc de 57 rĂ©acteurs rĂ©partis sur 18 centrales, la France produit aujourdâhui plus des deux tiers de son Ă©lectricitĂ© Ă partir du nuclĂ©aire. Lâan dernier, la France a produit environ un cinquiĂšme dâĂ©lectricitĂ© de plus quâelle nâen a consommĂ©, le reste Ă©tant exportĂ©.
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Si le projet FluidStack se concrĂ©tise comme prĂ©vu, il pourrait faire pencher la balance du dĂ©veloppement de lâIA en faveur de la France et de lâEurope. Certaines entreprises europĂ©ennes, dont la française Mistral AI, font partie de lâavant-garde de lâIA, et le continent abrite des laboratoires dâIA dirigĂ©s par des gĂ©ants technologiques amĂ©ricains qui contribuent Ă la recherche sur lâIA. Mais lâEurope est restĂ©e largement Ă lâĂ©cart, car les grandes entreprises amĂ©ricaines â OpenAI, Microsoft , Oracle , Google et Nvidia parmi elles â ont menĂ© lâessor de lâIA.
Le projet FluidStack fait partie des nombreuses annonces informatiques annoncĂ©es lors du sommet de Paris sur lâIA. Brookfield a annoncĂ© lundi quâil allait consacrer 20 milliards dâeuros Ă des projets dâinfrastructures dâIA en France, notamment des centres de donnĂ©es qui devraient atteindre 1,5 gigawatt de capacitĂ© dâici la fin de la dĂ©cennie.
Jeudi, les Ămirats arabes unis et la France ont convenu de lancer des investissements dans le but de crĂ©er Ă terme un campus dâIA en France qui utiliserait Ă©galement un gigawatt dâĂ©lectricitĂ©, ce qui, selon les responsables français, coĂ»terait des dizaines de milliards de dollars.
« LâĂ©nergie est le premier critĂšre Ă prendre en compte pour accĂ©der Ă lâIA et mettre nos systĂšmes en ligne », a dĂ©clarĂ© Josh Parker, directeur principal du dĂ©veloppement durable chez Nvidia, dans une interview en marge du sommet de Paris. « Elle jouera probablement un rĂŽle primordial dans les dĂ©cisions dâimplantation dans un avenir proche. »