Hello,
Vous en pensez quoi de l article de Cheron ?
Les causes (possibles) du prochain krach boursier ?
Les bourses du monde entier affichent record sur record. Qu’est-ce qui pourrait causer leur chute brutale ?
Des marchés actions au plus haut
De record en record
Depuis le début de l’année, de nombreuses places boursières ne cessent d’afficher des records historiques. Les cours de bourse se sont envolés aux États-Unis, en Europe mais aussi au Japon et en Inde. Seules les actions chinoises sont à la traîne. La prise de panique au début du mois d’août semble avoir été oubliée.
Le S&P 500, l’indice phare de la bourse américaine, a progressé de plus de 70% depuis un point bas en 2022. Il a monté durant 28 des 37 dernières semaines, la meilleure série depuis trois décennies. Faut dire que l’indice boursier américain a bénéficié de la locomotive des [“sept magnifiques”], ces sept valeurs de la technologie américaine (Microsoft, Meta, Google, Apple, Nvidia, Tesla et Amazon) qui explosent tous les records depuis des années. En 2024 ces 7 valeurs sont en hausse de 28%.
Sommes nous dans une bulle ?
Le fait que les marchés actions montent n’est pas, en soi, étonnant. Statistiquement, les marchés actions délivrent une performance positive de 5,5% par an, en moyenne, depuis 1900. Le marché américain montant même de 6,5% annuellement sur la même période. Mais cette moyenne cache de nombreuses variations, à la hausse comme à la baisse, dans l’intervalle, qui peuvent être brutales.
Il faut donc se demander si les cours de bourse actuels sont plus ou moins “chers” et susceptibles de subir une correction.
De nombreux experts pensent que c’est le cas, et que nous avons atteint le stade de la bulle spéculative. Les analystes des banques américaines Goldman Sachs et JP Morgan soulignent que les actions ont - de façon générale - atteint des valorisations historiquement élevées. La première prévient du risque “Summertime blues” (la dépression de l’été), alors que la seconde souligne la concentration croissante des positions prises par les investisseurs, ce qui donne typiquement lieu à des fortes chutes quand le sentiment de marché se retourne.
Warren Buffett, a annoncé s’être allégé sur les parts qu’il détenait dans Apple et Bank of America. Si le GOAT de l’investissement se met à vendre, c’est qu’il a probablement une lecture peu optimiste des conditions de marché à venir.
Il faut dire que les valorisations ont atteint des niveaux alarmants. Depuis le début de 2020, la valeur de marché des entreprises du S&P 500 s’est accrue de 25% environ, soit plus de trois fois l’augmentation du Produit National Brut des États-Unis.
Cela se constate quand on compare les prix des actions avec les bénéfices des entreprises. L’indicateur fréquemment utilisé pour le faire, le CAPE (pour Cyclically Adjusted Price Earnings ratio) a atteint 36. C’est-à -dire qu’en moyenne, les actions s’échangent à 36 fois les bénéfices des entreprises. Le CAPE n’a dépassé 36 qu’à deux occasions : lors de la bulle internet de 2000 et en 2021, … juste avant des krachs boursiers.
Des valorisations élevées impliquent aussi des rendements plutôt bas sur les actions. En effet, les entreprises ne gagnent pas nécessairement (beaucoup) plus, et n’ont donc pas pu augmenter le niveau des dividendes qu’elles distribuent. Si les prix des actions montent, alors que les dividendes restent constants, le rendement baisse mathématiquement.
À tel point qu’il est presque tombé à égalité avec le rendement (sans risques) proposé par les obligations d’Etat. Car le taux sans risques a bien monté depuis quelques années, avec la remontée des taux d’intérêt. (Alors oui, on pourrait contrer sur ce point que les taux d’intérêt vont probablement baisser dans les trimestres à venir, avec un cycle de baisse des taux directeurs à venir).
Quel type de correction pourrait-on craindre ?
Une des façons théoriques pour estimer l’envergure d’une éventuelle correction est de considérer l’écart historique entre le CAPE et le taux de rendement sans risques (celui des obligations d’État).
Aux États-Unis, pour faire retomber cet écart à la médiane historique, les prix des actions devraient tomber d’environ 30%. Pour retrouver la moyenne, il faudrait qu’ils perdent 50% de leur valeur !
En Europe et au Japon, les valorisations sont un peu moins élevées, mais en Inde elles le sont plus. Mais au regard du poids du marché américain à l’échelle mondiale, pour cette analyse, il s’agit de s’intéresser en priorité aux éléments qui pourraient faire chuter les cours à New York.
OK, donc les valorisations sont à des niveaux historiquement élevés. Et les phases de marché bulls (c’est-à -dire orientées à la hausse) sont régulièrement interrompues par des phases de marché bear (c’est-à -dire de baisse des cours de bourse).
Qu’est-ce qui pourrait causer la bascule d’un contexte bullish à un environnement bearish ?
Les causes possibles d’un prochain krach boursier
Nous n’avons pas de boule de cristal, mais il nous semble que les causes possibles de la prochaine correction boursière pourraient avoir trois origines :
- des chocs externes au système financier,
- le surendettement des nations, et notamment des États-Unis ; et
- des causes plus traditionnelles comme le ralentissement de la croissance et/ou des résultats financiers décevants des grandes entreprises.
Chocs externes au système financier
Dans le contexte actuel, il n’est pas difficile d’identifier quelques développements géopolitiques qui pourraient sévèrement impacter les marchés financiers. Si Donald Trump est réélu à la Maison Blanche, il a promis d’introduire des tarifs douaniers punitifs, qui pourraient alors être répliqués par les pays visés (la Chine, mais sans doute aussi l’Europe). Ce qui pourrait conduire à une hausse brutale de l’inflation et un ralentissement économique mondial.
Un élargissement de la guerre en Ukraine, ou une extension des hostilités au Moyen-Orient pourraient déclencher une flambée du prix du pétrole et donc des perturbations économiques globales.
Enfin, la Chine pourrait se montrer encore plus agressive vis-à -vis de Taiwan. Un blocus maritime de ce pays aurait des impacts sévères sur la production mondiale de puces électriques (TSMC est basé à Taiwan) et enliser les États-Unis dans un conflit avec une autre superpuissance mondiale.
Un dernier conflit, dont on parle beaucoup moins, reste, pour nous, à surveiller. Il s’agit de la guerre interne au Sudan qui fait des ravages depuis des années. Elle pourrait conduire à un exode massif de réfugiés … qui tenterait de rejoindre l’Europe, où l’attitude vis-à -vis les réfugiés et l’immigration se durcit considérablement.
Ces scénarios sont tous difficiles à prédire, et donc quasiment impossibles à anticiper par les investisseurs.
Le surendettement des nations, et notamment des États-Unis
Le marché des US Treasuries, les obligations d’Etat américaines, est gigantesque, et le Trésor américain en dépend pour se financer. Le déficit fiscal des États-Unis atteint désormais 7,4% du PNB du pays, après une période de croissance continue. Pour l’instant, le pays a toujours trouvé preneur pour sa dette, auprès d’investisseurs nationaux, mais aussi étrangers. Les grands fonds de pensions et autres banques centrales ont toujours été présents pour acheter les Treasuries.
Mais l’histoire récente au Royaume-Uni montre que lorsque les investisseurs obligataires perdent confiance, les choses peuvent aller très vite. Quand la première ministre Liz Truss avait annoncé un programme économique perçu comme étant fiscalement irresponsable, le marché des Gilts (les obligations d’Etat du Royaume-Uni) s’était effondré.
Or les deux candidats à la Maison Blanche ont annoncé des programmes économiques généreux et plutôt dépensiers.
Une perte de confiance dans la capacité du gouvernement américain à honorer ses obligations financières pourrait déclencher des ventes massives d’actifs, précipitant un effondrement boursier.
Causes traditionnelles : ralentissement de la croissance et résultats financiers décevants
Enfin, il est possible que la prochaine forte correction boursière trouve ses origines dans les domaines que les investisseurs ont plus l’habitude d’analyser, comme une baisse de croissance économique, les taux d’intérêt et la rentabilité des entreprises.
Pour l’instant, la croissance de l’économie américaine ne cesse de surprendre par sa résilience. C’est également le cas pour certaines économies européennes. Mais les prix actuels des actions reflètent un scénario parfait, où les banques centrales arrivent à ramener l’inflation à environ 2%, sans déclencher un ralentissement économique.
C’est ce qu’on appelle le scénario du “soft-landing”, l’atterrissage en douceur.
Ce scénario n’a que très rarement été réalisé dans le passé. Or, la conviction forte des intervenants de marché est que les banques centrales vont réussir leur coup cette fois-ci. Ils anticipent que la Federal Reserve pourra réduire les taux directeurs à plusieurs reprises avant la fin de 2024.
Un mot aussi sur les bénéfices des entreprises. Au niveau actuel, les valorisations boursières impliquent que les investisseurs s’attendent à une hausse significative des bénéfices futurs, pendant plusieurs années. Or, de 1989 à 2019 les profits des entreprises n’ont crû que de 4% par an en moyenne. Si les résultats des entreprises déçoivent les attentes faramineuses du marché, le bull actuel pourrait se transformer en bear.
Conclusion : un marché vulnérable
Prévoir le moment exact et les causes spécifiques du prochain krach boursier est impossible. Mais dans le contexte actuel, il est facile d’identifier de multiples risques pour la stabilité économique mondiale. Les chocs externes au système financier, le surendettement des nations, le ralentissement de la croissance et les résultats financiers décevants des grandes entreprises sont autant de menaces potentielles, pour un marché dont la valorisation est proche des plus haut historiques.
Les investisseurs avisés feraient bien de se préparer à la possibilité d’une volatilité accrue dans les années à venir.