Analyse fondamentale de Celsius Holdings (CELH$)
3 juillet 2024
Contrairement à RedBull, il est très probable que vous ne connaissiez pas cette marque. Et pourtant elle fait fureur en Amérique du Nord. Pour preuve : elle est vendue dans plus de 95% des magasins aux USA.
Si elle est entrée dans un secteur aussi concurrentiel que les boissons énergisantes, avec près de 5000 marques qui voient le jour chaque année, son potentiel de développement n’en est pas moins colossal.
Logo du groupe.
Le Business :
Celsius est un producteur de boissons énergisantes américain, qui évolue dans un secteur très concurrentiel et en forte croissance. Elle fait face à Monster et RedBull, deux acteurs bien établis qui détiennent près de 70% de part de marché et qui ont un rayonnement international.
Celsius propose toutefois une offre légèrement différente : en effet, grâce à un marketing moins masculin et viril ainsi que des boissons sans sucre et ayant des vertus amincissantes, l’entreprise tente de séduire une clientèle plus féminine, et également un public légèrement plus âgé que le public cible (18-34 ans) des principaux concurrents.
Cette proposition s’adressant à une clientèle plus large lui permet d’avoir un marché adressable plus important, que ce soit en Amérique du Nord ou à l’international.
Concernant l’activité du groupe, Celsius a suivi ses deux concurrents : elle produit ses boissons elle-même, dépense massivement dans la R&D pour créer de nouvelles boissons, dans des campagnes publicitaires modernes, via des partenariats avec des influenceurs célèbres, des équipes de football ou des écuries de Formule 1 comme Ferrari, et externalise l’étape de la distribution à des acteurs bien implantés.
Et cet acteur se nomme PepsiCo : Celsius profite du réseau de distribution de la célèbre entreprise pour vendre ses boissons partout en Amérique du Nord. Il s’agit d’un véritable game-changer, puisque cela lui confère un avantage concurrentiel important face à des concurrents plus petits qui ne peuvent pas se développer aussi rapidement. On compte plusieurs milliers de nouvelles marques de boissons chaque année, on comprend donc rapidement l’utilité d’avoir un distributeur à l’envergure internationale comme partenaire.
Ce partenariat entre PepsiCo et Celsius a été réalisé via un investissement de PepsiCo de 550M$ dans de nouvelles actions préférentielles Celsius (dilution) leur donnant droit à des dividendes. Il s’agit d’un investissement à long terme et rentable pour PepsiCo, qui n’a aucun intérêt de vendre sa participation et d’arrêter la collaboration.
De son coté, les marges de Celsius devraient augmenter grâce aux économies d’échelle permises par l’utilisation du réseau de distribution leader de PepsiCo.
Tout n’a jamais été rose pour Celsius d’ailleurs : au début des années 2010, l’entrepreneur américain Carl DeSantis est entré au capital et a revu l’organigramme pour y ajouter de nouvelles personnalités.
C’est à cette période que John Fieldly est également devenu CFO puis l’actuel CEO en 2017. L’entreprise faisait alors face à de gros problèmes, puisque seulement 60 jours après son arrivée, Celsius a été délisté des magasins Costco, ce qui représentait une perte de 60% du chiffre d’affaires. Plusieurs années de travail ont été nécessaires pour que les produits regagnent en désidérabilité, ce qui nous laisse penser que le CEO actuel est très impliqué dans son entreprise.
Concernant sa part de marché, Celsius a explosé au cours des dernières années puisqu’entre Avril 2022 et Mars 2024, celle-ci est passée de 3,6% à 11,4%, tandis que RedBull et Monster ont vu leur PdM légèrement diminuer sur ces deux dernières années.
Distribution des parts de marché dans le secteur des boissons énergisantes.
La moitié de la croissance du secteur des boissons énergisantes est aujourd’hui réalisée par Celsius.
Celsius est dorénavant le 3ème producteur de boissons énergisantes, devant C4, Rockstar ou encore Reign qui appartient au groupe Monster.
En parallèle du développement aux Etats-Unis, il sera très important de regarder l’implémentation à l’international du groupe. Celsius s’est introduit au début de l’année sur le marché canadien via un partenariat exclusif avec PepsiCo, et au Royaume-Uni grâce au distributeur Suntory Beverage & Food.
L’entreprise devrait également continuer son expansion en France, en Australie et Nouvelle-Zélande d’ici le 4ème trimestre 2024. Ce développement ciblé permet de mieux contrôler les marges, là où une expansion plus rapide aurait un effet favorable sur le chiffre d’affaires mais négatif sur les marges.
Ventes à l’international : en noir, les zones où les ventes ont début et en orange, celles prévues pour 2024.
On constate donc qu’il y a énormément de potentiel pour Celsius, autant dans des pays développés que dans les pays émergents, ce qui est excellent pour la croissance future de Celsius.
Tout comme Monster, les principaux avantages concurrentiels de Celsius résident dans son image de marque et son réseau de distribution. Soutenu par PepsiCo en Amérique du Nord, l’entreprise a une longueur d’avance sur ses concurrents plus petits.
Son image de marque est également très importante, surtout aux Etats-Unis, grâce à des partenariats avec Ferrari en Formule 1, l’équipe de football MLS où joue Lionel Messi ou encore des influenceurs stars comme Jake Paul.
Les perspectives futures sont également florissantes, puisque les ventes sont attendues en forte croissance et les marges opérationnelles devraient revenir à des niveaux normaux, après une inflation élevée sur les derniers trimestres, qui a affecté le fret et les matières premières.
Les Risques :
Le principal risque de l’entreprise est de maintenir son image de marque au sein d’un secteur ultra concurrentiel. La publicité représente un budget important pour l’entreprise et rappelons-le, ses concurrents majeurs sont RedBull et Monster.
L’entreprise doit donc continuer à innover et créer de nouveaux produits pour séduire ses clients, ainsi que trouver de nouveaux contrats de sponsor pour gagner en visibilité.
Le second risque réside dans la distribution de ses produits, puisque Celsius est fortement dépendant de PepsiCo pour ses ventes en Amérique du Nord.
Enfin, on peut également noter le risque de régulation, certes secondaire mais bien réel, qui pourrait se manifester dans certains pays estimant les taux de caféine trop importants pour leur population. Ça a été le cas de RedBull dans certains pays au début des années 2010, qui ont ensuite autorisé la ventes des boissons RedBull.
Le Management / Actionnariat :
Celsius Holdings est dirigé depuis 2017 par John Fieldly qui, avant de devenir CEO, a été CFO de 2012 à 2017. Ce manager hors-pair qui a redressé une entreprise en difficulté est donc présent depuis plus de 10 ans. A la tête du pôle financier on retrouve Jarrod Langhans, présent depuis 2 ans seulement mais qui a une longue expérience dans le domaine.
Du côté des salaires, on notera que la proportion du fixe annuel dans le salaire total (22%) est dans une fourchette plutôt élevée : on aimerait dans l’idéal un fixe équivalent à 10% du total voire moins. Le reste est du salaire est basé sur des critères de performance, payé en actions ou en numéraire.
Distribution des salaires des top managers
Enfin, on remarque également que le capital est fortement détenue par des entités stratégiques. Dean DeSantis détient une partie importante, héritée de son père, Carl qui a soutenu l’entreprise quand elle faisait face à des difficultés.
Actionnariat stratégique de Celsius Holdings
Avec la présence de plusieurs entrepreneurs au capital, célèbres pour leurs investissements dans des entreprises disruptives et à forte croissance, et notamment le CEO qui détient plus de 25M$ d’actions, on a ici un alignement des intérêts avec les actionnaires.
Les Eléments Financiers :
En pleine expansion sur le territoire national et maintenant dans de nouveaux pays, la croissance de Celsius est très rapide. Vraiment très rapide.
Sur les 10 dernières années, la croissance annuelle composée (CAGR) est de près de 65%, ce qui correspond à un x9 entre 2014 et 2023.
Croissance du chiffre d’affaires de Celsius
Plus récemment, en 2022 et 2023, le taux s’est établi autour des 100% et devrait revenir à des niveaux plus normaux de 30% sur les prochains trimestres selon les analystes.
Avant de passer au bénéfice net, il faut d’abord s’intéresser à la marge brute, qui correspond au chiffre d’affaires auquel on soustrait le coût des produits.
Comme vous pouvez le constater, Celsius a des marges brutes croissantes, ce qui est un excellent signe car cette augmentation est due à un contrôle des prix, notamment sur les matières premières et le fret.
Marge brute de Celsius en données trimestrielles
Enfin, les bénéfices nets ont également explosé puisqu’avant 2022, Celsius réalisait moins de 10M$ de bénéfice net annuel. L’entreprise ayant beaucoup évoluée, il est maintenant indispensable d’anticiper les perspectives futures pour être en phase avec le marché.
Projections des bénéfices futurs par les analystes
D’ici 2026, les analystes anticipent une forte croissance d’environ 37% par an, tirée par des ventes dynamiques et une augmentation des marges.
Celsius étant une entreprise de croissance, il est normal qu’elle réalise des augmentations de capital (dilutions). On devrait probablement voir le nombre d’actions en circulations augmenter légèrement, entre 1 à 3% par an, pour payer les employés en actions et également récupérer du cash.
A ces niveaux de valorisations (>60x les bénéfices) et en prenant une capitalisation boursière d’environ 14Mds$, une dilution est tout à fait acceptable puisque chaque dilution de 1% permet de générer plus de 140M$, soit l’équivalent en bénéfice des deux derniers trimestres de l’entreprise.
Si les marges sont inférieures à son concurrent Monster, elle devrait rattraper une partie de son retard sur les prochains exercices.
Marges de Celsius face à Monster
A l’instar de sa grande rivale, l’endettement de Celsius est quasi inexistant, puisque l’entreprise a seulement 2M$ de dettes, largement couvertes par les bénéfices (environ 200M$) et le cash (879M$).
Grâce à son business model, l’entreprise a une rentabilité de ses capitaux excellente, le tout sans dette : le ROE et ROCE s’élèvent à 25% et le ROIC atteint un nombre stratosphérique de 46%.
Ces chiffres sont tous excellents en valeur absolue, et ils sont les plus élevés du secteur et supérieurs à Monster également, ce qui est le résultat d’un business model supérieur et surtout d’une rotation élevée des actifs et de l’inventaire (forte croissance des ventes).
Enfin, concernant l’allocation du capital, l’entreprise ne génère du cash que depuis 2022. On remarque que les dépenses d’investissements (CapEx) sont plutôt légères, puisque c’est un business qui nécessite assez peu de dépenses et c’est PepsiCo qui se charge de la distribution. En revanche, elle lui verse des dividendes préférentiels qui s’élèvent à 27M$ en 2023.
Avec le cash restant, pas de retour à l’actionnaire ni d’acquisitions, elle se concentre sur ce qu’elle sait faire de mieux : investir dans son business et notamment dans les inventaires.
Le BFR est assez cyclique à cause des investissement dans l’inventaire, ce qui lui empêche d’avoir des Free Cash Flow stables dans le temps. Néanmoins, pour l’instant, c’est plutôt secondaire pour Celsius qui cherche surtout à développer son image de marque et s’étendre à l’international plutôt que de reverser sa trésorerie aux actionnaires.
On a ainsi des Free Cash Flow qui s’élèvent à 100M$ en 2022 et 123M$ en 2023.
La position en cash de Celsius de 800M$ est donc son meilleur allié pour continuer à réinvestir dans l’entreprise et verser les dividendes à PepsiCo, même en cas de ralentissement économique.
Par ailleurs, l’entreprise n’est pas fermée à une acquisition si tous les critères (exigeants) sont remplis.
La Valorisation :
Celsius étant une entreprise de croissance, il est logique qu’elle se valorise à des multiples élevés. De plus, son activité stable et non cyclique lui permet d’avoir une belle visibilité, ce qui se retrouve également dans les multiples de valorisation. Récemment ces multiples ont diminué à cause d’une baisse des prévisions de bénéfice.
Le marché s’attend globalement pour Celsius à une croissance d’environ 30% du chiffre d’affaires et d’environ 35% pour le bénéfice par action, grâce à l’amélioration des marges. Le BFR devrait structurellement maintenir les FCF inférieurs aux bénéfices nets.
Pour valoriser l’entreprise, nous allons utiliser la méthode des DCF en prenant les paramètres suivants :
- WACC (coût moyen pondéré du capital) de 11,67%
- beta de 1,58
- prime de risque de 4,6%
- rendement obligataire à 10 ans de 4,4%
- coût de la dette de 0%
- bénéfices de 215M$ (12 derniers mois)
Ainsi, nous obtenons trois prix en fonction des scénarios de croissance (l’action cote actuellement autour des 57$) :
25% de croissance : 26,6$
30% de croissance : 31,2$
35% de croissance (attendu par les analystes) : 36,4$
Dans les trois scénarios, l’entreprise est sur-évaluée selon les DCF.
Comme il s’agit d’une entreprise avec un fort BFR, il est plus cohérent de prendre les bénéfices nets, bien plus stables que les FCF. Pour ensuite obtenir un résultat plus réaliste (plus proche de la valeur des FCF), on peut prendre une marge de sécurité de 20% (écart moyen et attendu entre les FCF et les bénéfices nets), ce qui nous donne dans chacun des cas des prix respectifs de 21,2$, 25$ et 29,1$.
On retrouve là-aussi des valeurs bien inférieures au prix de l’action. Comme il s’agit d’une entreprise de forte croissance, on va également utiliser deux indicateurs, le PER futur et le P/S.
Pour valoriser Celsius, il est important de prendre des données récentes car le business évolue très rapidement (accord avec Pepsi). C’est pour cela que j’utiliserai les données des dix dernières trimestres uniquement.
Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, Celsius se paye environ 13x le chiffre d’affaires, avec une borne basse sous les 10x sur laquelle l’entreprise rebondit souvent.
Actuellement nous sommes à 9,44x, ce qui pourrait être un prix intéressant selon l’historique de Celsius.
P/S de Celsius depuis début 2022
En prenant les bénéfices futurs, on tombe également sur un point bas à 50x sur les deux dernières années.
Forward P/E de Celsius depuis début 2022
Enfin, on se projetant dans le futur, les ratios de valorisation de Celsius se dégonflent vite grâce à la forte croissance de son business qui n’est pas près de s’arrêter !
Valorisation par les PER futurs de Celsius
En étant actionnaire aujourd’hui, on devrait déjà obtenir un PER de 31 en 2026, soit plus de 3% de rendement des bénéfices.
Les niveaux de valorisation actuels semblent donc plutôt attractifs et laissent même la place à une potentielle augmentation des multiples.
Conclusion :
Points forts :
- Business model très rentable
- Avantages concurrentiels importants
- Enormément de croissance possible pour Celsius
- Bilan parfait
Points faibles :
- Concurrence très importante
- Dépendance à PepsiCo
Surfant sur la tendance des boissons énergisantes, Celsius est dans un stade de croissance exponentielle. Ses immenses perspectives de développement lui promettent un avenir radieux.
Si toutefois elle arrive à conserver son image de marque grâce à un sponsoring efficace et maintenir l’accord commercial avec PepsiCo, les volumes de ventes et l’action Celsius ont toutes les chances d’exploser durant les prochaines années.
CELSIUS Holdings, Inc. John Fieldly
PS : je suis actionnaire de Celsius Holdings.
Cette note d’analyse n’est pas un conseil en investissement et ne pourrait être considérée comme tel.