Salut Ă tous, je vous partage ici une analyse complĂšte de lâentreprise Catana Group, que jâai publiĂ© sur mon Linkedin tout Ă lâheure.
EnormĂ©ment de valeur et câest gratuit, alors profitez-en
Qui nâa jamais rĂȘvĂ© de sillonner la CĂŽte dâAzur en bateau ? Câest la promesse de Catana Group, qui produit des catamarans pour toutes les envies, et bientĂŽt des bateaux Ă moteur.
Voyons si plaisir peut rimer avec business.
Le Business :
Catana Group est une entreprise qui construit des bateaux de plaisance, plus particuliĂšrement des catamarans.
Catana Group agit comme une société holding qui détient plusieurs filiales auxquelles sont liées des sites de production :
- CHANTIER CATANA, qui dĂ©veloppe les plus gros bateaux du groupe, dont le site principal est Ă Canet-en-Roussillon, et qui dispose Ă©galement de son propre site de production de menuiserie industrielle (meubles), ce qui renforce lâautonomie du groupe;
- AP YACHT CONCEPTION, situé à Marans, qui construit 3 modÚles de la gamme BALI, impossible à produire sur le site de Canet;
- HACO, qui se situe en Tunisie et qui fabrique les plus petits modĂšles du groupe, dont les CATSMSART, CATSPACE, et BALI 4.2;
- COMPOSITE SOLUTIONS (dorĂ©navant CATANA GROUP PORTUGAL LTD), qui sâoccupe de la construction de lâusine au Portugal pour la gamme YOT et dĂ©veloppera Ă©galement les nouveaux modĂšles YOT;
- PORT PIN ROLLAND, qui se situe à Saint-Mandrier et qui concentre les activités de gardiennage, de réparation/entretien des bateaux, et de location de garage et de places de port.
En 2014, lâentreprise a opĂ©rĂ© un tournant dans sa stratĂ©gie en sâorientant vers les catamarans multicoques Ă travers la gamme Bali, imaginĂ©e par le dĂ©funt dirigeant Olivier Poncin, vĂ©ritable visionnaire, qui a bousculĂ© le design classique des catamarans.
Catana Group vend ses bateaux sous plusieurs gammes :
- CATANA, marque historique du groupe, qui a un grand historique de fiabilitĂ© et de sĂ©curitĂ© avec un profil orientĂ© vers la performance qui constitue le haut de gamme de lâentreprise.
- BALI, la marque innovante du groupe (qui a repensĂ© la façon de vivre dans un catamaran, en modifiant certains espaces de vie) qui a remportĂ© un franc succĂšs depuis son lancement en 2014 et qui lui a permis de passer du statut de petit fabricant Ă un celui dâacteur dâenvergure. Dans les prochaines annĂ©es, la croissance est appelĂ©e Ă ĂȘtre plus modĂ©rĂ©e. Constitue la gamme grand-public de lâentreprise.
- YOT, la nouvelle gamme qui comprend des catamarans Ă moteur in-board (dans la coque, donc invisible), trĂšs attendue par les fans de nautisme et les investisseurs Ă©galement, puisquâelle reprĂ©sente le relai de croissance du groupe, et le management espĂšre remporter le mĂȘme franc succĂšs quâavec BALI. Le marchĂ© des bateaux Ă moteur est trĂšs important et attendu en croissance dans les prochaines annĂ©es.
Le nouveau modĂšle YOT 36.
En plus de sa gamme YOT, lâentreprise continue Ă dĂ©velopper sa gamme BALI en sâattaquant bientĂŽt Ă un nouveau marchĂ©, celui des catamarans de plus de 55 pieds, qui sâadressent Ă une clientĂšle plus aisĂ©e, et donc potentiellement moins sensible aux cycles Ă©conomiques.
La clientĂšle diffĂšre Ă©galement en fonction des gammes : pour BALI, 95% des clients sont des concessionnaires basĂ©s Ă lâinternational, lĂ ou CATANA vend principalement ses bateaux directement aux particuliers.
Lâentreprise a un Ă©galement un bel atout : sa diversification gĂ©ographique. Sa clientĂšle et trĂšs internationalisĂ©e, et ne dĂ©pend donc pas que dâun seul pays, ce qui lui permet Ă©galement de profiter de la croissance de pays plus dynamiques.
Autre point fort, le carnet de commandes, avec un systĂšme dâacomptes qui permet dâavoir une belle visibilitĂ© Ă 1 ou 2 ans.
Lâentreprise dĂ©pend globalement de sa gamme BALI, puisque les Services ne reprĂ©sentent que 3% du CA environ, et la gamme CATANA, 2%.
Bien que reprĂ©sentant une faible part du CA, la partie Services permet Ă lâentreprise dâavoir un flux de revenus beaucoup moins cycliques. Autre bonne nouvelle, la sociĂ©tĂ© vient de signer en 2023 un contrat lui permettant de continuer Ă exploiter le Port Pin Rolland pendant 25 ans.
Concernant les risques, la main-dâĆuvre, assez rare sur le marchĂ©, couplĂ©e Ă des difficultĂ©s dâapprovisionnement, ont causĂ© de nombreux retards de livraison, lors de la pĂ©riode pandĂ©mique (boom des commandes), bien que la croissance est appelĂ©e Ă revenir Ă des niveaux plus rationnels que ces derniĂšres annĂ©es assez exceptionnelles.
Il faudra Ă©galement surveiller la direction de lâentreprise, assurĂ©e par le nouveau Directeur-GĂ©nĂ©ral du groupe, fils dâOlivier Poncin, qui a fondĂ© lâentreprise. Si lâon ne doute pas de ses capacitĂ©s (il a eu plusieurs rĂŽles de directeur dans le secteur du nautisme pendant plus de 15 ans et a dĂ©tenu sa propre entreprise, AP Yachts Conception) et de son dĂ©sir de continuer Ă faire prospĂ©rer le groupe, il devra faire aussi bien que son prĂ©dĂ©cesseur, qui a placĂ© la barre trĂšs haut.
Lâentreprise opĂšre aussi dans une industrie cyclique et compĂ©titive. Bien que la clientĂšle visĂ©e soit la classe aisĂ©e -il ne sâagit pas ici de lâultra-luxe, elle subit tout de mĂȘme la conjoncture Ă©conomique.
Par ailleurs, le groupe fait face à des concurrents sérieux, comme Fountaine Pajot ou Bénéteau et sa gamme Lagoon, qui proposent des bateaux compétitifs.
Avant dâaborder les finances de lâentreprise, il faudrait parler de lâactionnariat. Catana Group est une sociĂ©tĂ© familiale, dĂ©tenue par la famille Poncin, qui dĂ©tient 29% des actions et 44% des droits de vote, ce qui assure un alignement des intĂ©rĂȘts avec ceux des actionnaires, avec des objectifs Ă long-terme.
Les Chiffres :
Quand on regarde de plus prĂšs, les finances de Catana Group sont excellentes. Comme Ă©voquĂ© plus tĂŽt, le lancement de la gamme BALI et sa croissance trĂšs importante a permis Ă lâentreprise de multiplier sa taille en quelques annĂ©es seulement grĂące Ă la conception particuliĂšre de ces bateaux, trĂšs ouverts et spacieux, pensĂ©s pour apporter une expĂ©rience exceptionnelle Ă ses passagers.
Le chiffre dâaffaires a connu une croissance fulgurante sur la pĂ©riode 2014-2023 de 22% par an, tout comme le bĂ©nĂ©fice net, qui est passĂ© dâune perte de 1M⏠et qui ressort en positif de 19M⏠en 2023.
De plus cette croissance nâa quasiment pas nĂ©cessitĂ© de dette et la dilution est, somme toute, peu significative, puisque lâentreprise possĂšde un bilan qui rendrait jaloux les tĂ©nors du CAC 40, avec une position en cash (63MâŹ) 2,5x supĂ©rieure Ă la dette (25MâŹ) !
Le groupe sâest dâailleurs endettĂ© au meilleur moment, câest-Ă -dire pendant le Covid-19, et ont eu accĂšs Ă des taux trĂšs avantageux, ce qui se reflĂšte dans le coĂ»t de lâendettement bas (environ 2,2%).
Les flux de trĂ©sorerie sont eux plus volatils que les bĂ©nĂ©fices mais le groupe opĂšre dans une industrie cyclique, oĂč le besoin en fonds de roulement est important. Câest donc assez rĂ©guliĂšrement quâon assiste Ă de fortes variations des flux de trĂ©sorerie opĂ©rationnels, comme cette annĂ©e, oĂč le groupe a subi un dĂ©calage des paiements qui a donc impactĂ© fortement les flux de trĂ©sorerie du groupe, Ă cause la main-dâĆuvre insuffisante pour faire face Ă lâexcĂšs de demande de ces derniers semestres.
Du cĂŽtĂ© des marges opĂ©rationnelles, elles sont de 12,06% en moyenne sur les 5 derniers exercices, contre 10,12% pour Fountaine Pajot et 5,3% pour BĂ©nĂ©teau (bien que 15% de son CA ne soit pas liĂ© aux bateaux), ce qui dĂ©montre le savoir-faire de Catana Group dans lâexercice.
Les ratios de rentabilité sont aussi trÚs bons, avec un ROE de 26% et un ROCE de 26%, semblable à ceux de Fountaine Pajot et supérieurs à ceux de Bénéteau.
En termes dâallocation du capital, Catana Group se rĂ©vĂšle assez prudent, avec une partie des FCF (Free Cash Flow) qui servent Ă verser un dividende depuis 2022, des rachats dâactions qui viennent compenser les distributions dâactions gratuites aux employĂ©s, un retrait de la dette suite Ă lâendettement de 2021 et le reste part dans la trĂ©sorerie de lâentreprise.
Cette gestion saine a permis au groupe dâamasser une pile de cash, qui a notamment aidĂ© le groupe Ă traverser le 2nd semestre 2023 -compliquĂ© en terme de trĂ©sorerie, et permettra dâinvestir massivement dans son outil de production si nĂ©cessaire ou de saisir une opportunitĂ© dâacquisition.
La Valorisation :
En dĂ©pit de ses qualitĂ©s, Catana Group est une sociĂ©tĂ© qui se valorise peu cher. La raison ? La cyclicitĂ© de lâindustrie dans laquelle elle opĂšre (malgrĂ© une bonne visibilitĂ© Ă court-terme grĂące Ă son carnet de commandes), un nouveau dirigeant qui devra relever le dĂ©fi de faire aussi bien que son prĂ©dĂ©cesseur, et le fort BFR de lâentreprise.
Pour valoriser lâentreprise, nous pouvons utiliser la mĂ©thode DCF. Les paramĂštres sĂ©lectionnĂ©s sont :
- WACC (coût moyen pondéré du capital) de 11,2%
- beta de 1,5
- prime de risque de 5,6%
- rendement obligataire Ă 10 ans de 4,1%
- coût de la dette de 2,2%
- FCF de 22M⏠(soit la moyenne des FCF des annĂ©es 2021 et 2022, car le FCF de 2023 est inexploitable et non reprĂ©sentatif de lâentreprise).
Ainsi, nous obtenons 3 prix en fonction des scénarios de croissance :
5% de croissance : 10,3⏠(43,7% sous-évaluée)
10% de croissance : 12,3⏠(52,8% sous-évaluée)
15% de croissance : 14,6⏠(60,3% sous-évaluée)
Lâentreprise est donc trĂšs faiblement valorisĂ©e pour la croissance attendue, mais quâen est-il des ratios plus classiques ? (donnĂ©es sur 5 ans car lâentreprise Ă©volue rapidement, inutile de comparer 10 ans auparavant, lâentreprise nâest plus la mĂȘme !)
PER moyen sur 5 ans : 15 vs. PER actuel : 9
P/S moyen sur 5 ans : 1,4 vs. P/S actuel : 0,9
Lâentreprise est donc sous-Ă©valuĂ©e Ă©galement par rapport Ă son historique et Ă son concurrent direct, Fountaine Pajo. Cette sous-valorisation sâexplique par les raisons expliquĂ©es un peu plus haut, mais Ă©galement par la dĂ©cote des petites capitalisations ces derniĂšres annĂ©es au profit des plus grosses. Cette tendance pourrait sâinverser Ă terme pour revenir Ă la normale.
On a donc actuellement un prix qui pourrait constituer un bon point dâentrĂ©e pour ceux qui ne craignent pas la volatilitĂ© liĂ©e au business sous-jacent et qui ont un horizon long-terme.
Conclusion :
Points forts :
- Un bilan de haute volée, les marges opérationnelles les plus élevées du secteur et une rentabilité accrue
- Une croissance future encore importante, avec le développement de la gamme BALI et le lancement de la gamme YOT
- La qualitĂ© de ses actifs : Port Pin Rolland, lâusine de menuiserie industrielle (renforce lâautonomie du groupe)
- Le carnet de commandes et la diversification géographique des ventes
- La valorisation attractive
Points faibles :
- Le nouveau Directeur-GĂ©nĂ©ral devra diriger lâentreprise dâune main de maĂźtre, comme lâa fait son prĂ©dĂ©cesseur avec ses concepts innovants
- La main-dâĆuvre qualifiĂ©e se fait rare sur le marchĂ©, ce qui peut crĂ©er des retards de livraison
- La cyclicitĂ© du secteur et du BFR, gĂ©nĂ©rant des flux de trĂ©sorerie trĂšs volatils, ce qui implique quâelle doit dĂ©tenir des liquiditĂ©s
Catana Group est une trĂšs belle entreprise, de taille modeste, et dispose de vĂ©ritables qualitĂ©s pour faire face Ă lâavenir.
Des challenges seront Ă relever, mais le management a toutes les cartes en main pour continuer Ă performer. Si lâon ajoute Ă cela la valorisation particuliĂšrement attrayante, nous avons lĂ les ingrĂ©dients dâun potentiel multibagger.
PS : je suis actionnaire de Catana Group.
Cette note dâanalyse nâest pas un conseil en investissement et ne pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme tel.